mercredi 18 décembre 2013

Le BAL, musée des Beaux-Arts de Liège, première 'victime' du CIAC

Ce 14 décembre 2013 j’ai guidé une visite à l'exposition «L’affiche communiste» au BAL. Keskeseksa, ce BAL ? C’est notre nouveau musée des Beaux-Arts de Liège. Première victime du CIAC, CENTRE INTERNATIONAL D'ART CONTEMPORAIN, un ‘ensemble muséal d’envergure mondiale’ lancé par le GRE en 2006. Le CIAC remplace le Mamac (Musée d'Art moderne et d'Art contemporain  à la Boverie). On a vidé la Mamac en 2012, pour tout déposer à l’ilôt Saint Georges, ce qui a précipité le lancement du BAL. Et après on fera l’inverse et le bâtiment à l’Ile Saint Georges servira de dépôt…

Résumé

le projet CIAC
C’est mal baré pour la CIAC : les offres de deux consortiums qui avaient répondu à l’appel à un partenariat Public Privé pour la construction et programmation culturelle du CIAC sont trop onéreuses de 40 % ! Liège compte sur 23 millions d’euros de fonds européens pour transformer le Mamac. 700.000 euros ont été réservés par la Ville pour couvrir les frais de gestion. Ce qui couvre à peine les frais de fonctionnement, jugent les candidats (ls 9/2/2013).
 « On va recommencer l’appel d’offres sur d’autres bases », déclarait Demeyer en février 2013. Fin de cette année une autre ‘solution’ a été trouvée qui risque d’être aussi dangereuse pour les budgets de culture…
Historique : le GRE lance en 2006 un ensemble muséal d’envergure mondiale
Le GRE lance en 2006 l’idée d’un « ensemble muséal d’envergure mondiale ». Le cabinet Ramboll a d’abord tenté, sans succès, de faire de cet ensemble la tête de pont de grandes institutions culturelles. Ils ont alors prôné la création d’une Fondation privée pour organiser au Ciac de grandes expositions temporaires de premier plan. On parlait alors de 600.000 visiteurs annuels, chiffre  diminué de moitié depuis.
En 2008 encore le projet CIAC est présenté comme une révolution muséale à Liège. Jean-Pierre Hupkens, échevin (PS) de la Culture:  « le Mamac doit devenir un lieu d'exposition temporaire à vocation grand public » (Llb 19/7/2008).
Mars 2011 on n’a pas de projet, mais on a les plans pour le bâtiment !
En 2011 J-P Hupkens, M. Léonard, Echevin des Travaux, et les auteurs de projet (l’association momentanée Rudy Ricciotti – Cabinets d’architectes pHD) présentent au Collège communal les études préalables du futur CIAC. Le CIAC bénéficiera, outre la part Ville (10%), de subsides européens (40 %) et de la Communauté française (50 %). Le bâtiment qui sera transformé date de l’Exposition Universelle de 1905 et s’inscrit dans le nouvel axe urbanistique développé entre la nouvelle gare TGV et la Médiacité (on veut d’ailleurs absolument inscrire le futur musée Simenon sur le même ‘axe’). Des espaces d’exposition modulables, un auditorium polyvalent. Le bâtiment des Sports nautiques intègre également le programme muséal tout en garantissant une cohabitation harmonieuse avec la pratique des sports nautiques (pour faire des vagues ?). Les Sports nautiques abritera aussi un Centre de documentation et de recherche multimédia, un atelier pédagogique et un espace de restauration d’une capacité de 150 places. Le chantier aurait dû débuter en 2012 et l’ouverture du CIAC doit se faire impérativement pour l'automne 2015.
Oct 2011 Jean-Luc Pluymers du GRE doit trouver une solution alternative
On a donc depuis 2011 les plans d’un bâtiment dont on ne sait toujours pas ce qu’on va mettre dedans. Mais il y a une balise : c’est le privé qui le fera.
« La fondation entièrement créée par des fonds privés initialement envisagée sera sans doute difficile à mettre en oeuvre après le passage de la crise, explique le directeur du GRE, Jean-Luc Pluymers. On nous a donc demandé de trouver une solution alternative permettant de mettre sur pied de grandes expositions internationales avec l’aide du privé. Nous sommes en train de sonder de grands groupes habitués au mécénat culturel et ils étudient le dossier. Mais il semble acquis qu’ils ne voudront pas prendre seuls tous les risques » (Ls 5/10/2011).
On veut solliciter le privé, mais pour quel projet ? « Nous n’avons toujours pas de solution pour la structure d’exploitation des lieux », reconnaît J-P Hupkens. «  Ma position est très inconfortable: à trois ans de l’ouverture, je dois commencer à travailler sur le contenu sans connaître le cadre exact et sans estimation de budget ! Si l’hypothétique fondation ne voyait pas le jour, je ne veux pas me retrouver le bec dans l’eau et on a donc commencé à élaborer une réflexion sur un fonctionnement en service public pur. Nous devons définir un budget et une ligne de conduite artistique et culturelle. Il faudra qu’elle conserve la fonction d’accès aux opérateurs culturels liégeois. »
C’est la confusion totale! Pour Constantin Chariot, directeur général des Musées communaux liégeois, jusqu'il y a peu conseiller du président du MR pour les matières culturelles, «tout en gardant un musée d'art moderne à Liège - il y a là des collections majeures- l'idée générale est de créer un ‘pôle des Beaux-Arts’ fort - art moderne et art ancien ».  Pour Hupkens, «on peut imaginer que les collections soient exposées soit dans le cadre de ce pôle - que j'imagine au départ du musée de l'Art wallon/salle Saint-Georges -, soit en les maintenant là où elles sont ». 
Le Ciac disposera-t-il d’une collection permanente? « Le débat est vif », selon Hupkens qui précise qu’on devrait « y faire tourner les collections de la Ville ».
Alain Leens, Écolo : « Si on se retrouve en structure complètement publique, je ne vois pas où on va trouver les budgets capables d’amener les 300.000 visiteurs espérés. Je crains que l’étude actuelle du GRE se contente d’étudier la structure juridique, ce qui est insuffisant. Et j’ai un peu l’impression que la Ville de Liège a surtout trouvé un moyen pour faire rénover son bâtiment à moindre frais et qu’elle se fiche de ce qu’on y fera ensuite! »
 « Le projet immobilier étant mûr, se posait la question de l’exploitation du Ciac, explique notre échevin liégeois de la Culture. Nous avons opté pour un marché global visant la construction, la maintenance et l’exploitation du musée. Il y a l’obligation d’organiser deux à trois expositions temporaires par an, dont trois expositions à caractère international tous les deux ans. Le besoin de trésorerie est évalué à quatre millions d’euros au moins, à alimenter notamment par la vente de tickets, l’horeca, le merchandising, etc. Ce budget est loin d’être excessif lorsqu’on sait qu’une exposition d’ampleur moyenne, comme celle qui fut organisée au Curtius sur le peintre Paul Delvaux, tourne déjà autour du million d’euros. » (Ls 23/6/2012).
l'expo Delvaux au Curtius: 1 million €
photo debrouillart
La seule chose que la Ville a ’betonné’ est l’accès libre pour les écoles liégeoises, le maintien des tarifs article 27, la réservation d’un espace de 250 mètres carrés pour les artistes en Communauté française, l’utilisation 25 jours par an de l’auditorium par la Ville, le respect du parc classé, la collaboration avec les autres musées liégeois : un cahier des charges peu contraignant. 
Le MR regrette que « le caractère de l’opportunité et du sérieux scientifique de ces expositions » ne soit pas mentionné dans le cahier des charges (Ls 27/6/2012). Alain Leens, conseiller Ecolo, signale que les exemples réussis de partenariats entre public et privé dans la construction et la gestion d’infrastructures culturelles ne sont pas nombreux. Le budget de fonctionnement du Kunsthall de Bonn est de 10 millions, celui du Centre culturel contemporain de Bilbao est
La Piscine Roubaix
de 12 millions, celui de la Piscine à Roubaix de 3,5 millions. Les 700.000 euros alloués par la Ville ne couvriront que 10 % à 20 % des frais de fonctionnement». Brandissant une étude qui estimait la recette du Ciac à 12,71 euros par visiteur, pointant le coût « de plus en plus élevé » de l’organisation d’expositions de prestige, le conseiller communal Ecolo «reste sceptique quant à la possibilité que cet appel d’offres général trouve un candidat ». Prophétique, notre Alain !
Pour Fadila Laanan, que le Ciac soit géré par le public et le privé ne change pas grand-chose aux possibilités de subsidiation. « Etant donné le caractère expérimental et novateur du Ciac, toutes les pistes seront explorées. Une reconnaissance comme musée reste possible et même si ce n’est pas le cas, il y a plusieurs institutions muséales qui sont subsidiées, comme le musée de la Photo à Charleroi, sans être reconnues au sens strict comme musées. Une troisième voie possible, s’il n’y a pas d’exposition permanente, est la reconnaissance comme centre d’art». Tout ça n’engage à rien de la part de la Communauté française…
La fermeture du Mamac en 2012 pour faire place au CIAC précipite le lancement du BAL 
On nage donc dans le flou artistique complet. Les collections du Mamac (Musée d'Art moderne et d'Art contemporain de la Ville) sont déposées au musée des Beaux-Arts de Liège (Bal), lancé dare dare en 2011. «C’est la fermeture du Mamac en 2012 (pour faire place au CIAC) – qui a précipité le lancement du BAL », explique Jean-Marc Gay, directeur des musées liégeois. Le Bal est lancé comme une nouvelle entité muséale liégeoise. Mais le projet est mal parti ! Suite au dépôt intempestif des œuvres du Mamac, un seul étage est accessible au départ. On espérait fin 2013 de rouvrir tous les étages. Pendant plus d’un an on a fait le fanfaron avec un musée incomplet.
Le 30/08/2013, le Collège communal a défini la politique d’exploitation culturelle; deux candidatures, «Tempora» et «Europa 50», avaient été déposées, qui « présentaient chacune des qualités certaines, dont il aurait été regrettable de se priver dans le cadre de l’attribution d’une concession exclusive à l’un d’entre eux » (traduisez : qui étaient trop chères). Le Collège a décidé d’un mode d’exploitation pour le CIAC qui assurera une gestion publique dans le cadre d’une ASBL qui comprendra un comité de partenariat national et international et qui fera appel à une pluralité de partenaires de qualité, dont l’expérience est reconnue dans le cadre de l’organisation de grandes expositions. «Tempora» et «Europa 50» seront considérés comme des partenaires prioritaires, dans le cadre de modalités à déterminer avec eux (lisez : c’est un chèque  en blanc). Une programmation d’expositions ambitieuses, de rayonnement international, au niveau 1 du bâtiment. Parallèlement le CIAC accueillera les collections du Musée des Beaux-Arts. Ce déménagement sera également synonyme d’une plus grande disponibilité dans la perspective d’échanges d’œuvres d’art en vue d’expositions temporaires.  Cette juxtaposition de collections permanentes et d’expos temporaires est la meilleure direction pour assurer le développement du CIAC. Le départ des collections du Musée des Beaux-Arts vers le CIAC permettra d'accueillir à l’îlot Saint-Georges les réserves muséales et de les rendre accessibles pour les visiteurs. Ces bâtiments de qualité (climatisation, cimaises déjà en place…) permettront un entreposage digne du patrimoine exceptionnel que recèlent les collections liégeoises. Sur cette base, la Ville et ses partenaires vont travailler à bâtir une programmation pluriannuelle dans la perspective de l’ouverture au public du CIAC en 2016.

Il est vrai qu’on n’a pas entendu des cris d’indignation pour la disparition du « Musée d’Art wallon», né dans les années 50, porté sur les fonts baptismaux par Paul Renotte, premier échevin communiste de Liège. Et Renotte n'était pas seul: dans les années 70, on a quand même trouvé un consensus suffisant - et des fonds - pour matérialiser ce concept par la construction d’un musée flambant neuf. C’est à cette époque que le musée des Beaux-Arts de Liège – situé à côté de l’Académie des BA – a été démantelé, en partie au profit du Musée de l’Art Wallon.
La fréquentation du Musée d’Art wallon était de 2.000 visiteurs par an. Il ne sera donc pas difficile de faire mieux. Mais il faudra quand même définir un nouveau concept pour les 50.000 œuvres d’art, avec un potentiel certain: des Lambert Lombard, Picasso, Gauguin, Collignon, Léonard Defrance et autres Delvaux provenant du Mamac, Grand Curtius, Musée d’Art wallon,  la collection d’art ancien et le Cabinet des estampes.
Un défi urbanistique
Selon J-M Gay, « Le parvis du Bal – la dalle de Saint Georges -  est digne de la Tirana des années 60 mais, à l’intérieur, il offre des espaces d’expositions modulables et modernes. » « Un million d’euros a été investi sous la précédente législature dans la salle Saint-Georges, mais cela ne suffit évidemment pas pour le sortir de son anonymat grisâtre », explique Hupkens, qui lance quand même en février 2013 encore l’idée de « connecter le Bal à la Meuse et à Féronstrée » (Llb 08/02/2013). Ce qui tient la route, si on y ajoute la connexion Bal – Curtius, à un jet de pierre de là, et la connection avec le Musée de la Vie Wallonne. Mais ‘connecting people’, c'était le slogan de l'expo Liège 2017 déjà oublié…. Pourtant, un Museumviertel
Combat de coqs - piscine Roubaix
connait un succès certain à Berlin, Vienne et même au Nord-Pas de Calais qui se profile avec succès comme
Région des Musées. Il ne suffit évidemment pas d’un « linoléum pour remplacer la moquette verte poussiéreuse du Musée d’Art wallon" (ls 13 mai 2011 ).
Ceci dit, si les espaces muséales et le bâtiment en soi ont des qualités architecturales incontestables – qui méritent le maintien comme musée -  ils portent les tares d’une architecture qui voulait bannir la « rue-corridor » et qui construisait donc ses bâtiments coupés de la rue.
Même si cette dalle est chargée (déjà) d’histoire : en avril 1983, lorsque la ville ne peut plus payer ses agents communaux, l’îlot Saint Georges devient pendant 3 mois le haut lieu de la mobilisation sociale…. Chaque jour, les agents en lutte se retrouvaient sur « la dalle ». Ce petit parfum historique est évidemment insuffisant pour masquer les tares d’une dalle difficile d’accès et angoissante, lugubre.
Ceci dit, les tares de cette architecture peuvent devenir des qualités, dans la mesure où les bâtiments conçus sur pilotis pour laisser le sol libre peuvent donc être réorganisés au niveau du sol sans interventions trop lourdes. Connecter le Bal à la Meuse et à Féronstrée doit être faisable, mais ça coûtera évidemment un peu plus qu’un nouveau linoleum…. On a déjà l’amorce : au croisement de Féronstrée avec la rue Saint Georges
nous avons la Sculpture Publique d'AideCulturelle, un genre de « C.P.A.S » qui achète des œuvres à des artistes contemporains vivants. Lorsqu’on introduit de la monnaie dans l’horodateur de cette SPAC, la Flamme de la Culture s’allume au sommet d’un arc métallique. Chaque fois 1 euro est versé par des entreprises partenaires.

Mais ce défi urbanistique fera l’objet d’un prochain blog…

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