vendredi 7 février 2014

La bataille de Rhées du 5 août 1914: décisive pour la bataille des forts de Liège

Monument 14-18 Rhées Herstal
Médecine pour le Peuple Herstal participe aux journées du patrimoine, le 13 et 14 septembre, avec une balade sur Rhées, le fort de Pontisse et la bataille de Liège.
Voici une petite reconstruction d’une petite bataille tout au début de la guerre 14-18. Il y a sur cette bataille plusieurs témoignages qui ne sont pas toujours cohérents entre eux. J’en ai fait une synthèse personnelle qui suscitera sûrement des polémiques. Le point clé est l’arrivée des allemands, au matin de 6 août, devant le QG belge à Saint Léonard. Cette attaque surprise a amené le QG belge à dégarnir les intervalles entre les forts. Que ces allemands soient arrivés par Herstal (ce que je juge peu probable) ou par Sainte Walburge via Liers est finalement un détail. Pour simplifier le récit, j’ai omis la plupart des références aux unités militaires impliquées. Il y a les allemands et les belges. Ce qu’il ne faut pas traduire par les bons et les mauvais…

Résumé

Stèle allemand Rhées
La bataille de Rhées, la nuit du 5 au 6 août 1914, s’est terminée sur une victoire belge. Mais elle a fait basculer la bataille pour les forts de Liège. Le hasard fait que des soldats allemands, chassés du fort de Liers, descendent sur Liège et  arrivent devant le QG du général Leman, au quartier de Saint Léonard. Cette attaque-surprise amène Leman à renvoyer toutes les troupes qui devaient protéger les intervalles entre les forts vers l’armée belge qui se trouvait sur la Gette, à deux jours de marche de Liège. Suite à ça, les allemands étaient maîtres des intervalles entre les forts et avaient l’embarras du choix pour installer leurs canons. Les douze forts isolés sont bombardés par des obus de 420 mm.
Le sacrifice des défenseurs des forts ne ralentira pas susceptiblement la ruée des armées allemandes sur la Marne. Cette guerre était impérialiste de tous côtés, y compris de la part de la petite Belgique ‘neutre’. La ‘courageuse’ défense belge à Liège et sur l’Yser est pour le gouvernement belge avant tout un prétexte pour réclamer sa part du butin à la fin de la guerre. Le sort des ‘alliés’ français était subordonné à ce but stratégique. En 1918 la Belgique revendiquera le Limbourg hollandais, or que la Hollande avait acceuilli des centaines de milliers de refugiés belges. Et au moment de la bataille pour Liège, la Belgique a participé à la ‘ceuillette’ des territoires allemands dans les colonies. Dès le 5 août, les troupes belges du Congo se joignaient aux troupes françaises pour attaquer un poste frontière de la colonie allemande Cameroun sur le fleuve Congo. Mais regardons un peu de plus près comment cette petite bataille de Rhées cadre dans ces objectifs généraux…

La bataille de Rhées : décisive pour la bataille de Liège

Tombes allemands rhées
Le 28 juillet 1914 l'Autriche déclare la guerre à la Serbie. La mobilisation belge commence seulement le 1er août. Le lendemain, le Conseil des ministres belge rejette l'ultimatum allemand. On essaye de remédier en dernière minute un des points faibles de la Position Fortifiée de Liège : les intervalles entre les forts étaient mal défendues. Pour défendre les 5 km entre Pontisse et Liers, les hommes du génie creusèrent dès le 1 août plusieurs retranchements et redoutes sillonnant la campagne de Rhées et de Milmort. Dès le 2 août un renfort de 400 armuriers de la FN et 900 mineurs des charbonnages sont réquisitionnés un dimanche à 5 heures du matin. A Vottem, les mineurs récalcitrants refusèrent et on dut les menacer militairement. Le lundi 3 août sur ordre de Leman les ouvriers des ateliers et usines importantes de Herstal rejoignirent les 1300 hommes déjà engagés dans les travaux de fortification.
Leman avait décidé de créer un périmètre neutre d’un rayon de 600 mètres. Après l’invasion du Luxembourg le 2 août tous les habitants concernés furent invités par sommation militaire à quitter à la hâte leur habitation. A Pontisse, à Liers, à Boncelles surtout ce furent des moments dramatiques. Tout ce qui pouvait constituer un obstacle au champ de tir fut d’abord incendié puis dynamité par le Génie. On détruisit ainsi des centaines de demeures particulières. Le gouvernement avait laissé tomber depuis longtemps la loi sur les servitudes militaires, la quelle défendait toute habitation à proximité des forts ((Musée Herstalien mai-juin 2007 N° 137).
Le 4 août, six brigades d'infanterie détachées des 1re, 2e et 3e armées, soutenues chacune par deux batteries de mortiers de 210 mm et tout le 2e corps de cavalerie, sont regroupées sur le front à Aix-la-Chapelle, Eupen et Malmedy. La cavalerie franchit la frontière. Le 5, l'infanterie d'assaut allemande se met en place. La nuit du 5 au 6 août, le 89ème grenadiers allemand contourne le fort de Pontisse et débouche au cimetière de Rhées au milieu d’un bataillon du 11ème de ligne belge qui bivouaquait en dehors du cimetière, en plein champ. Les soldats belges s’encourent vers le cimetière ou vers les deux petits terrils qui se trouvent au sud-ouest de celui-ci. Les feldgrauen occupent le hameau de Rhées.
ferme Rousseau Rhées
Des soldats belges endormis dans la grange de la ferme Rousseau 
sont tués ainsi que des civils. Le soldat de 2ème classe et ancien de l'Athénée royal de Liège  DUMONT Paul Hubert Emile du 12ème de Ligne y fut assassiné,tandis que, désarmé par l'ennemi, il prodiguait des soins à ses compagnons blessés’. Les allemands sont maîtres de toute la plaine. Ils descendent sur Herstal où ils espèrent effectuer la jonction avec le 90ème fusiliers. Le 12ème de ligne belge s’est retranché dans les maisons en bas de Herstal. Les colonnes allemandes sont reçues avec un feu nourri et se retirent sur Rhées.
Des bataillons allemands s’étaient approchés aussi du fort de Liers via un chemin creux. Mais le fort finit par les apercevoir grâce à son phare puissant. Les obus du fort sèment le désarroi. Deux compagnies se
Bataille Rhées photo médecins de la
grande guerre
retrouvent à Vottem où un feu nourri accueille son avant-garde. Ce qui subsiste de ces deux compagnies reflue vers Rocourt dans une carrière. Après une escarmouche meurtière les chasseurs allemands rejoignent Lixhe. 
La petite bataille de Vottem est évoquée à Ypres, au musée "In Flanders Fields". Au cimetière de Herstal aussi un stèle derrière le monument aux morts belges commémore les soldats allemands.
Jusqu’ici la bataille de Rhées et de Vottem ne se distinguent pas des dizaines d’escarmouches qui ont marqué la bataille de Liège. Mais l’assaut du fort de Liers se conclut sur un fait divers qui va être décisif pour la bataille des forts. Une compagnie refoulée à Liers descend sur Liège et arrive par la rue Saint-Léonard dans la rue Ste-Foi où se trouve leQ.-G. du lieutenant-général LEMAN, commandant la
le général Leman
Position Fortifiée de Liège (cette maison fut détruite en 1972 pour l'agrandissement de l'Athénée). Des civils les acclamaient, croyant qu'ils étaient des Anglais. L’état-major belge crut avoir affaire avec de parlementaires. L’escouade allemande fit feu et tue le commandant MARCHAND (la rue où se situait le Q.G.  a reçu son nom). Le petit détachement allemand est finalement chassé et rejoint 
la plaine de Rhées, où, à l’aube, les forts de Pontisse et de Liers bombardent les troupes allemandes qui se retirent à Hermée où ils massacrent des civils en pillant les maisons. A Mouland, Berneau et Warsage aussi 33 habitants sont massacrés
La  32ème de ligne belge effectua une sortie et fit prisonnier 260 hommes dont le lieutenant comte von Moltke, petit-neveu du célèbre maréchal !

L’attaque-surprise sur le QG fait basculer la bataille de Liège

Rhées est donc repris. Mais cette attaque-surprise amène Leman à se retirer au fort de Loncin et de renvoyer toutes les troupes qui devaient protéger les intervalles entre les forts vers l’armée belge qui se trouvait sur la Gette, à deux jours de marche de Liège. La 1e division se trouvait à Diest et Tirlemont, la 5e division à Perwez, la 2e division à Louvain et la 6e division à Wavre. Certains parlent de la ligne de défense sur la Gette; d’autres d’une ligne d’attente. En fait, il n’y avait aucune fortification sur cette ‘ligne’.
A Liège, les allemands avaient l’embarras du choix pour l’endroit où ils allaient installer leurs canons. Les douze forts isolés refusent de se rendre mais sont bombardés par des obus de 210, puis de 305 et 420 mm, comme au stand de tir à la foire. Les forts se rendent les uns après les autres du 8 au 16 août. Le 15 août, un obus de 420 mm éclate dans le magasin à poudres du fort de Loncin. L’explosion tue 350 défenseurs. Leman y est retrouvé presque mourant par les Allemands.
Le fort de Pontisse est fortement ébranlé aussi. Lors des rares visites on peut voir des pans entiers des plafonds qui sont tombés. Cela s’explique aussi du fait que le béton n’était pas armé, contrairement aux fortifications construites par les français. En 1930 on construira un nouveau fort au dessus de l’ancien. Conformément au plan allemand, la ville, sa citadelle et la plupart de ses ponts sont pris. Pendant ce temps, la 1re et la 2e armée allemandes passent la Meuse, et se déployent de Hasselt à Huy.
Un fait divers qui illustre encore l’impréparation totale de l'armée belge: dès le 2 août l’état major de la 3° division réquisitionna dans toute la région les bœufs, vaches, veaux, céréales etc. pour la réserve des denrées consommables de la Place Forte. On décide de ramener les bêtes sur pied dans la vallée, au champ de Manœuvres à Bressoux, sur l’île Monsin, au Jonckay, bref des terres sans herbages, laissées à l’abandon le plus flagrant. L’abbé Crèvecœur entend mugir les pauvres bêtes jusque Vottem. Le 4 septembre le bourgmestre Herstalien Michel Duchatto lance par voie d’affiches un appel au secours à la population, l’incitant à apporter des déchets ménagers, épluchures etc. Après l’entrée des allemands une partie du bétail fut abattue au profit du ravitaillement de la population. Lorsqu’une Kommandantur s’installa à Liège, elle affirma que ce cheptel était considéré comme butin de guerre et elle exigea de Herstal la contre-valeur des animaux en argent liquide. Cette réserve formidable de viande tomba en grande partie aux mains des troupes allemandes et nourrira les armées allemandes dès le 4 septembre sur la Marne (Musée Herstalien mai-juin 2007 N° 137).

Le plan Ryckel.

En renvoyant sur la Gette ses troupes censées protéger les intervalles entre les forts, Leman ne faisait qu’appliquer le plan Ryckel défini par l’armée belge. http://www.ars-moriendi.be/de_ryckel%20fr.htm
Appliquer est un grand mot, puisque ce plan n’était qu’une feuille de vigne qui devait cacher la nudité des plans de défense belges. En 1909 le lieutenant-colonel de Ryckel publie en son nom un ‘Mémoire sur la défense de la Belgique’. Ce mémoire attire l’attention de Jungbluth, ancien précepteur et aide de camp du prince Albert, et du capitaine Galet, qui sera nommé en 1912 officier d'ordonnance du Roi, en fait, sans en avoir le titre, son conseiller militaire (nous reviendrons dans un autre blog sur les Mémoires très intéressantes de Galet).
Déjà  dans sa conception même, le plan Ryckel ne pesait pas très lourd. Il consistait en la concentration du gros de l'armée de campagne (les quatre divisions que l’on retrouvera sur la Gette en août 1914) sur la rive gauche de la Meuse, face à Liège ;  une cinquième division, maintenue rive droite, servant de soutien aux forts de la place et une sixième faisant de même pour Namur. Ce plan était déjà très discutable. Le grand Clausewitz disait déjà : « si l’assaillant, sans se soucier de la force armée défensive qui l’attend, fait avancer sa force principale sur une autre voie, tout en poursuivant son objectif, il déborde la position. S’il parvient à le faire impunément, et s’il réalise ce débordement, il nous oblige à quitter instantanément la position, devenue inutile » (De la guerre, éd. Minuit, p460).
La Grosse Bertha
A ces faiblesses de conception s’ajoutaient des faiblesses matérielles. L'armée allemande était bien informée sur l'armement des forts de Liège car Krupp était sous contrat pour remplacer les canons (jamais livrés). Les forts construits en 1886 étaient dépassés : béton non armée ; les entrées des forts étaient très vulnérables pour une attaque par derrière… En plus, il y avait une trouée énorme à Visé. C’est par là d’ailleurs que les allemands déborderont les forts en 1914.
Ces faiblesses stratégiques du plan Ryckel ne dérangeaient nullement Albert et le gouvernement qui avaient une autre stratégie qu’ils ne pouvaient pas avouer: le repli sur le « réduit national » à Anvers ; repli qui laissait la France, garant de la neutralité belge, à la merci d’une percée à travers la Belgique.
Les autorités belges font donc semblant d’exécuter le plan Ryckel. En décembre 1913, Ryckel est
Von Schlieffen et son plan
réintroduit à l'Etat-major de l'armée en tant que sous-chef, chargé expressément des plans de défense. Nos gouvernants étaient un peu pingres: ils auraient pu lui donner un titre un peu plus ronflant que celui de sous-chef. Toujours est-il que le subterfuge marche bien: on maintient la fiction d’une position bien défendue. Jusqu’à l'ultimatum autrichien à la Serbie du 23 juillet 1914, où l’on ‘découvre’ la non exécution du plan. Ryckel, offensé par une certaine indifférence, avait arrêté les études et renvoyé ses collaborateurs.
Le 28 juillet, avec la déclaration de guerre de l'Autriche à la Serbie, la Belgique se rabat sur un plan Ryckel ‘allégé’, et demandent le  transport par voie ferrée du gros de l'armée sur la rive gauche de la Meuse. Mais les chemins de fer belges se déclarent incapables de réaliser en quelques jours ce que l'Etat-major n'avait pu faire en sept mois.
Ryckel proposa alors une nouvelle variante : le gros de l'armée (soit les 1re, 2e, 5e et 6e divisions), au lieu d'être rassemblé dans la région de Liège, le serait (faute de moyens) dans le quadrilatère Louvain-Tirlemont-Perwez-Wavre, d'où, si possible, il gagnerait la Meuse à pied, en deux ou trois étapes. C’est là, sur la Gette, que le gros de l’armée belge se retrouvera encore le 6 août, deuxième jour de la bataille de Liège. Mais la fiction est maintenu et personne n’a encore dit que le Roi est nu : théoriquement, pendant deux ou trois jours, la 3e division et les forts, laissés à eux-mêmes, devraient être capables de résister seuls à un coup de main allemand.
Le Roi fit encore grand éloge du plan ersatz, le 2 août au soir, lors du Conseil où fut rejeté l'ultimatum allemand.
Dans la nuit du 5 août, l'idée fut mise à l'épreuve des faits. Expérience cruciale et brève. Dès le lendemain, la 3e division, censée protéger les intervalles entre les forts, est renvoyée sur la Gette par Leman; le 7, les Allemands campaient à Liège. Le plan ersatz s'était effondré au premier choc.
Ryckel, en plein accord avec Galet et le Roi, laissa le gros de l'armée sans bouger dans le quadrilatère Louvain-Tirlemont-Perwez-Wavre.
Le 18 août, l'armée allemande tout entière (et non comme les 4 et 5 août, une petite fraction de celle-ci) se met en branle, sa concentration achevée. Ryckel préconisait depuis plusieurs jours un repli sur Anvers, auquel le Roi consent évidemment. En fait, ce plan Ryckel a très bien masqué l’autre plan, le vrai, qui consistait à se retirer avec le moins de pertes possibles dans le Réduit National à Anvers. Pour apaiser les Français, le Roi promet, dès que possible, une attaque de flanc. L'attaque, exécutée les 25 et 26 août, échoua comme prévu, avec des pertes sensibles. Un vide énorme se creuse entre elle et l'armée belge,
bloquée à Anvers; les Allemands s'emparent le 4 septembre de Termonde, endroit stratégique sur la ligne qui mène à la mer, sans pousser plus loin leur avantage. Les  belges ne se montrent pas très actif non plus et les allemands peuvent envoyer leur première et deuxième armée sur la Marne, en laissant juste une petite couverture sur leur flanc exposé. Le nom de ces divisions de couverture est éloquent : la 1ère et 4ième  Ersatz division, une Matrosendivision et les 26ième  et 37ième  Landwehrbrigades.
Ce n’est qu’après l’enlisement sur la Marne que les allemands se tournent vers Anvers où il suffit de quelques coups de Grosse Bertha pour faire capituler les forts. L’armée de campagne belge se retire sur l’Yser, laissant derrière elle 30.000 soldats de forteresse, dont une bonne partie rejoint la Hollande…Pour maintenir la fiction d’une défense belge courageuse on les déclare après-guerre déserteur… Ca fait un beau troupeau de boucs émissaires, mais De Ryckel est le premier: il est limogé. On l'envoie le 14 septembre représenter l'armée belge auprès du grand quartier général russe. 
En 1915 la Belgique avait formé l'un des premiers corps de voitures blindées,  l' ACM - les Autos-Canons-Mitrailleuses. Le roi Albert I donne ce corps d'élite au tsar de Russie. Quatre cents volontaires de guerre belges partent pour le front russe, dont Julien Lahaut. Le général de Ryckel en reçoit le commandement. Probablement à cause de lui les ACM avaient la réputation d'un gang indiscipliné, de fauteurs de troubles influencés par les bolcheviks.
Par contre, les rapports de Ryckel sont beaucoup plus cordiaux avec les sociaux-démocrates Vandervelde, de Brouckère et De Man, chargés de maintenir la Russie dans la guerre en 1917. Très prévenant, il dactylographiait leurs discours et leur servait quasiment de secrétaire. «Nous ressentions pour lui, écrit Vandervelde, une sympathie croissante».
Lors du retour de Ryckel en octobre 1918, on le nomma commandant de la Côte, puis gouverneur militaire de la Flandre Occidentale. En juin 1919 il demanda son admission à la pension. Ses mémoires  - bourrés de documents inédits et débordants de reproches - sont qualifiées de pamphlet. La publication en 1931 des souvenirs de Galet ramena l'attention sur Ryckel. Je reviendrai là-dessus dans un autre blog.
En renvoyant les troupes qui étaient censés protéger les intervalles entre les forts (en quelque sorte le plan Ryckel à l’envers), Leman avait donc appliqué fidèlement la stratégie du Réduit National. En fait, les soldats qui tenaient les forts ont été sacrifiés. Ils n’avaient aucune chance.

La bataille de Liège : un double mythe

Mais malgré cet échec militaire belge, la bataille de Liège est devenue un mythe.
Un mythe pour les alliés qui trouvaient dans la défense courageuse des belges contre la violation de leur neutralité une belle justification pour leur entrée en guerre. Le mythe de la bataille de Liège leur a permis de cacher le caractère impérialiste de cette guerre.
Le gouvernement belge aussi a instrumentalisé le sacrifice des défenseurs des forts: il fallait prouver que la Belgique a tout fait pour aider ses alliés, et plus particulièrement les français, qui ont dû amener en taxi les renforts sur le front de la Marne. Ni la  défense de Liège, ni la défense du réduit national d’Anvers n’avaient ralenti notablement les armées allemandes. Or qu’une attaque sur les flancs provenant de Liège ou d’Anvers était le talon d’Achille du plan Von Schlieffen.
Campagne Tabora Afrique de l'Est - photo wikipedia
Par contre, au moment même où la position des forts de Liège était abandonnée, dans les premiers jours de la guerre, les troupes belges du Congo se joignaient aux troupes françaises pour attaquer Bonga, poste frontière de la colonie allemande Cameroun. En 1916 l’armée de la colonie se joindra aux anglais pour conquérir l’Est Africain (Robert Galic, Les colonies et les coloniaux dans la grande guerre, l’Harmattan, p 25). La campagne africaine de Tabora a coûté plus de morts que les 4 années sur l’Yser ! Des morts congolais évidemment. La ‘courageuse’ défense belge est avant tout un prétexte pour réclamer à la fin de la guerre sa part du butin, en Afrique mais aussi envers la Hollande à qui la Belgique reproche sa neutralité pour revendiquer le Limbourg hollandais. Il faut le faire : la Hollande avait logé et nourri des centaines de milliers de refugiés belges. Il faut dire qu’une fois signé l’armistice, les revendications belges furent vite balayées de la table des négociations de Versailles. La Belgique doit se contenter du Ruanda et du Burundi.

Le Mémorial ‘interallié’ de Cointe et le mythe de la bataille de Liège.

Le Mémorial en 1937 - photo warzee
Le caractère mythique de la bataille de Liège est manifeste aussi dans le Mémorial ‘interallié’ de Cointe. La plupart des sitesofficiels présentent ce mémorial comme le choix en 1925 par la Fédération Internationale des Anciens Combattants. C’est déjà une falsification historique. Il s’agit du FIDAC, la Fédération Interalliée des Anciens Combattants. La FIDAC excluait les anciens combattants de l’axe. Face au FIDAC il y avait le CIAMAC, proche de la social démocratie ILO et des Nations Unies. La Fidac était l’aile droite des anciens combattants, qui se retrouvent en 1937 avec Hitler à Berlin pour vanter le pacifisme des nazis. La branche américaine fournira un point d’appui pour Mac Carthy.
photo global view
Toujours est-il que selon le Clahm la création du Mémorial interallié ne s’est pas décidé au FIDAC, mais avait été décidée à Liège en 1922. Ca vaut la peine d’analyser quelles forces politiques y étaient impliquées. Ce qui est clair pour moi, c’est que l’Eglise y était fortement engagée. Au départ l’emplacement avait été  fixé au confluent de la Meuse et de l'Ourthe. Peu de temps après, un comité se constitua pour la fondation d'une grande église à Cointe. Une ‘entente profitable permit de concilier les deux buts, par l'érection simultanée de deux monuments, un Mémorial interallié et une Basilique’. Cette entente profitable aboutit encore à la construction d’une ‘basilique’ jumelle sur le site envisagé au départ : l’église de Saint Vincent. Je n’ai pas retrouvé des infos sur qui était au juste le maître d’œuvre de ce Mémorial. Si je comprends bien, l’apport des nations alliées se limite à quelques oeuvres d'art offertes. Dont un Monument espagnol. Pourtant, l'Espagne n'était pas en guerre en 1914-1918.  C'est la Belgique qui l'a fait ériger en hommage au soutien "logistique" apporté par ce pays.
Cette ‘entente profitable’ autour d’un Mémorial qui mélange du civil et religieux mérite une investigation plus poussée… L'église est dédiée au Sacré Cœur, ce qui m’incite à l’associer à Koekelberg. Mais elle abrite aussi une statue de saint Mort, un saint qui convient bien au carnage qu’elle est censée commémorer…
La basilique touchée par les V1
En 1945 le site est durement touché par les V1. Ce qui a poussé Baudouin Ier de procéder à une seconde inauguration en 1968.
Le mythe de la bataille de Liège s’effrite encore un peu plus avec les commémorations de 2014. Le monument interallié à Cointe drainera en matinée la grande foule des chefs d’Etat qui n’auront guère le temps de s’appesantir sur l’hommage rendu à la résistance à l’invasion. Car dès l’après-midi, cap sur Mons et le cimetière de Saint-Symphorien pour un hommage aux soldats anglais. Le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté y tient absolument : c’est là qu’est tombé le premier soldat britannique, le 23 août 1914. « Les Ansois reconnaissants » et « le Front de Sauvegarde du Fort de Loncin » dénoncent « cette expression d’un mépris à l’égard des militaires belges tombés à la bataille de Liège. » Ils ont fait savoir leur « étonnement, leur consternation, leur incompréhension » à Di Rupo. Pas sûr qu’ils aient frappé à la bonne porte : ils sont toujours sans nouvelles du bourgmestre empêché de… Mons.

"In Flanders Fields" : Vottem échappe aux représailles allemandes

Une petite explication supplémentaire sur cette escarmouche à Vottem, déjà mentionnée plus haut. Vottem est nommément cité http://hachhachhh.blogspot.be/2014/04/vottem-une-place-dhonneur-au-musee-in.html dans le musée "In Flanders Fields". Après s’être battues dans le village, les troupes allemandes et belges se replient, les morts et blessés sont abandonnés sur place.
Vottem mérite sa place à Flanders Fields, et mériterait aussi plus de place dans la mémoire collective de Herstal ! Lors du Conseil du 31 janvier 2013, Johan Vandepaer a proposé d' associer les écoles aux visites qui sont planifiées au musée "In Flanders Fields". J’ai vu un appel pour un voyage (gratuit) à Verdun, mais pour Ypres je reste sur ma faim. 
In Flanders field - photo Nieuwsblad
En 2004, à la demande du Flanders Field Museum, le compositeur Liégeois, Stéphane Houben a  composé « Vottem requiem »
Ce Vottem requiem mériterait d’être joué un jour à Vottem même. Et quand, si ça ne se fait pas en 2014 ?  

Vottem a échappé aux représailles. Mais cela ne peut évidemment pas nous faire oublier que la guerre 1914-1918 était le première (et malheureusement pas la dernière) guerre totale, non seulement géographiquement, mais aussi par son implication des populations civiles, avec les représailles contre les populations civiles, sur toute la route Charlemagne, parcourue de la Maison Blanche à Henri-Chapelle (à l'époque poste frontière) et Liège. La Via Charlemagne, c’est ça aussi ! 
Voir aussi mes autres blogs:

balade vers le cimetière  de Rhées et Pontisse

Vue de la ville depuis le sommet du Mémorial interallié

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