jeudi 27 février 2014

Le SDER et le logement

Logements sociaux Venne Liège - photo skynetblogs
La Wallonie revoit son Schéma de développement de l´espace régional (SDER). Le SDER sert de référence pour les décisions concernant l´habitat, l´implantation des activités économiques, la mobilité etc. Je voudrais analyser ici plus spécifiquement les passages concernant le logement. 
Résumé
Le SDER dit p.11 « La Wallonie souhaite garantir à chacun la réponse à ses besoins fondamentaux, notamment le logement et les services ». A peine 4 pages plus loin, cette garantie est déjà oubliée. On vise modestement « à compenser dans une certaine mesure les inégalités sociales ». Pourtant, les besoins sont énormes. Le SDER part des perspectives démographiques avec un besoin de 115.000 nouveaux logements d’ici à 2020, et 320 000 d’ici 2040. Mais pour estimer les besoins on peut partir aussi du critère appliqué par les banques : le coût d’un logement ne devrait pas dépasser 30% des revenus. Dans le SDER la notion de logement social disparaît pour la notion de logements publics ou conventionnés avec comme objectif 5 % par commune et 10 % par bassin de vie. Cet objectif plus que modeste ne permet pas de peser sur la marché du logement. Et les moyens pour les atteindre se limitent à  « une politique volontariste de conventionnement issue des nouvelles compétences régionalisées (notamment via la politique des baux à loyer) et des politiques foncières visant à maîtriser les prix des terrains et à lutter contre la rétention foncière ». En pratique, cette politique foncière consiste à brader des terrains appartenant aux instances publiques au profit des promoteurs privés.

Garantir à chacun la réponse à ses besoins fondamentaux, notamment le logement et les services ?

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La Wallonie souhaite dans le ‘nouveau’ SDER p.11 « garantir à chacun la réponse à ses besoins fondamentaux, notamment le logement et les services ». Et en p. 15 la SDER enfonce une porte ouverte : « D’un ménage à l’autre, les revenus des citoyens wallons varient ». Nous sommes à peine 4 pages plus loin, et la garantie à chacun d’une  réponse à ses besoins fondamentaux est déjà oubliée. On vise modestement « à compenser dans une certaine mesure les inégalités sociales ». Cela n’engage à rien du tout ! « Il est nécessaire de développer une offre diversifiée en logements publics et conventionné. Accessibles à des personnes aux revenus faibles, ces logements permettent de compenser dans une certaine mesure les inégalités sociales et d’améliorer les conditions de vie et le bien-être des populations moins favorisées ».
Mais même cette compensation des inégalités risque d’être réduite à rien si on voit les besoins : « les perspectives démographiques envisagent pour les années à venir une augmentation annuelle de 14 000 ménages. Dans cette hypothèse, la Wallonie devra offrir plus de 115 000 nouveaux logements d’ici à 2020. Par la suite, le nombre de ménages continuera d’augmenter. L’évolution de la population d’ici 2040 nécessite la création d’environ 320 000 logements supplémentaires en Wallonie ».
Déjà aujourd’hui l’offre reste largement en retrait par rapport à la demande. Demain ça sera encore pire. Pour moi, garantir un logement doit être lié à un résultat. Sommes-nous plus catholique que le pape en mettant en avant le critère appliqué par les banques : un logement adapté à chacun pour maximum 30% de ses revenus ?
La notion de logement social disparaît pour la notion de logements publics ou conventionnés.
« Le pourcentage de logements publics ou conventionnés devrait atteindre en 2040 au minimum 5 % par commune et 10 % par bassin de vie pour un objectif global de 20 % de logements publics ou conventionnés pour l’ensemble de la Wallonie » : nous ne voyons pas comment on pourrait globalement atteindre 20% de logements publics en ciblant 5 % par commune et 10 % par bassin de vie.
Expo 1930 Thier à Liège - projet J. Moutschen
Pour la matérialisation de cet objectif, le SDER propose la mise en place de 2 types de politique en matière de logement. « D’une part, poursuivre et renforcer le rythme actuel de construction de logements publics. En effet, l’on estime que pour atteindre 10 % de logements publics à l’échelle de la Wallonie, 50 000 créations de logement devront avoir lieu d’ici à 2040. Or, au rythme actuel des plans d’ancrage communaux, ce sont 40 000 nouveaux logements publics qui devraient sortir de terre d’ici cet horizon. Grâce au transfert de compétences prévu par la réforme de l’Etat, la Région devrait disposer de nombreux leviers pour organiser le marché locatif wallon ».
J’ai mes réserves les plus formelles par rapport au diagnostic de départ. Il n’y aura jamais 40.000 nouveaux logements publics au rythme actuel des plans d’ancrage communaux. Cette projection est fausse ; une politique d’autruche  qui est d’ailleurs une généralité dans toutes les compétences régionalisées.
A partir de ces perspectives gonflées l’estimation du « solde de l’objectif » - 10 % de logements à l’échelle de la Wallonie – est  fausse, et cette falsification sert à justifier l’extrême modeste des moyens : « une politique volontariste de conventionnement issue de ces nouvelles compétences (notamment via la politique des baux à loyer) ».
Ce manque de volontarisme se montre aussi dans les autres moyens préconisés par le SDER : « les politiques foncières que les autorités publiques mettront en œuvre viseront en priorité à y maîtriser les prix des terrains et à lutter contre la rétention foncière ».
En pratique, cette politique foncière consiste à brader des terrains appartenant aux instances publiques au profit des promoteurs privés.
le premier logement social à Herstal r. Croix Jurlet
Or, pour nous, la stratégie séculaire de la Belgique qui repose sur un minimum de logements publics a prouvé son échec. La régionalisation du logement n’a nullement rompu avec cette stratégie : elle a par contre réduit le développement du logement public à un minimum historique.
Cet échec est particulièrement visible dans l’habitat permanent dans les zones de loisirs : « aujourd’hui, soit par choix, soit par contrainte, un nombre important de personnes vivent dans les campings et parcs résidentiels en tant que résidents permanents. Ces espaces permettent d’accéder à un logement à très faible coût, mais ne remplissent pas toujours les conditions pour assurer à long terme à leurs habitants des conditions de vie décente. Certains sont situés en zone inondable, les constructions et les équipements y sont souvent vétustes, l’accessibilité aux services est difficile.
Le phénomène d’habitat à titre permanent doit être maîtrisé et géré ».
Et en quoi consiste la maitrise préconisée par la SDER : à « améliorer les conditions de vie dans les limites d’intervention des pouvoirs publics, tout en évitant que ce phénomène ne s’amplifie » !
Cet échec est patent aussi dans les phénomènes de gentrification et de relégation.  La gentrification est un processus de transformation de quartiers populaires en quartiers bourgeois. Elle provoque un déplacement de populations socialement fragiles au profit d’une appropriation des quartiers par des populations à revenus élevés. La relégation désigne un processus de concentration de personnes pauvres ou précarisées dans un
Ilot Firket Jdp 2013
quartier de ville ou un village.  Et que prévoit la SDER p.118 point 5 ? « Les agences immobilières sociales (AIS) s’efforcent d’établir une adéquation entre les attentes des propriétaires qui désirent percevoir un loyer normal leur permettant d’entretenir leur patrimoine et la diversité des besoins des locataires à faibles revenus en remettant sur le marché des logements inoccupés ».
Par rapport à ces questions de fond, le débat sur la croissance des surfaces urbanisées est faussé. En refusant de se donner un poids suffisant sur le marché du logement, nous nous enlevons tout levier utile pour maitriser cette croissance dans le respect de l’environnement. « 256 000 nouveaux logements (80 %) devraient être réalisés en reconstruction de la ville sur la ville ou en urbanisation de terrains vierges. D’ici 2040, 25 % de ces logements, soit environ 64.000 unités, proviennent de ces opérations de reconstruction de la ville sur la ville.  Pour répondre à la demande en nouveaux logements d’ici 2040, les autorités publiques veilleront à réserver 10 000 ha à l’urbanisation dans les territoires centraux en milieu urbain et rural »

Conclusion

Cité rue Renardi
Le nouveau SDER ne rompt pas avec le démantèlement du logement public et social qui a connu une accélération avec la régionalisation de cette matière. Une réelle politique de logement social doit viser à permettre à chacun de se loger dignement pour maximum un tiers de ses revenus. Une vraie politique de logement ne saurait se limiter « à compenser dans une certaine mesure les inégalités sociales ».

Voir aussi mes autres blogs concernant le logement social :
 http://hachhachhh.blogspot.be/2014/02/le-sder-et-les-activites-economiques.html

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