vendredi 11 avril 2014

Balade au Hemlot : des castors, des cormorans, des silures, des tortues californiennes, des nénuphars et une usine sous cocon...

Médecine pour le Peuple Herstal organise  tous les deuxièmes dimanches du mois une balade santé. Rendez-vous à 10h à la maison médicale avenue Ferrer 26 à Herstal. Notre balade au Hemlot nous fera découvrir un paysage splendide avec l’étang des nénuphars, le petit canal du Hemlot, une écluse, deux îles (île Aux Corbeaux et île de Franche-Garenne), l’usine de Chertal (sous cocon),  une gravière de 5 hectares, et le chantier du Trilogiport.
On l’a déjà fait en 2014, le lendemain du bal de MPLP. Ce qui explique qu’on n’était pas très nombreux. Une raison suffisante pour la reprendre.
Mais une autre raison est la friche de Chertal. Le Train à Larges Bandes resterait sous cocon, mais on libérerait le reste du site pour des nouvelles activités économiques. C’est une occasion rêvée pour relancer deux brulôts. Premièrement la libération du chemin de halage que nous longerons lors de notre balade. Déjà à l’époque où Chertal était en activité, ce chemin débouchait derrière le corps de garde de l’usine : une situation inconfortable pour le promeneur. Le corps de garde est sur le territoire de Herstal, ce qui me permet de tenir ma promesse d’avoir au moins 100 mètres de mes balades sur le territoire de Herstal.
Mais lors de la mise sous cocon de l’usine, ce chemin a été barré par des barbelés biens coupants, d’une manière illégale, puisque ces chemins appartiennent aux Voies hydrauliques du Service public de Wallonie. C’est l’occasion ou jamais de recréer ce passage entre Hermalle sous Argenteau et le pont de Wandre. Et puis, nous longeons des merlons énormes de terres dont un peut espérer qu’elles ne sont pas trop pollués.
Une deuxième raison est liée directement à la survie du Hemlot. Cet ancien bras de Meuse s’ensable. Cet ensablement n’a rien à faire avec la construction de Chertal, mais est lié à la démolition du barrage de Hermalle. En 1998, la Direction des voies hydrauliques de a fait démonter les structures du barrage à aiguilles d’Hermalle et de l’écluse qui avaient été fortement endommagés par les crues de 1993 et 1995. De ce fait, le niveau de la Meuse entre le pont-barrage de Monsin et  le barrage de
Lixhe se trouve en dessous du niveau du Hemlot qui n’étant plus alimenté, s’ensable. A l’époque, le comité des riverains a eu des contacts avec le directeur de Chertal pour amener de l’eau du canal Albert dans le Hemlot, via une conduite passant par Chertal. Ce projet n’a pas abouti suite entre autres des contraintes de passage d’un charroi très lourd. Aujourd’hui on pourrait créer cette liaison avec le canal Albert. Eventuellement sous forme d’un parcours d’eau vive pour la pratique sportive du kayak. L’idée avait déjà été lancée à l’époque, entre Lanaye et Visé. Pour ce qui me concerne, on peut aussi y installer une mini centrale électrique hydraulique. Il y a un budget aujourd’hui pour créer des capacités stratégiques, pour éviter un lock out. On pourrait lancer cette centrale à la demande. Peu importe, à partir du moment où le Hemlot reçoit de temps en temps une bonne dose d’eau, comme une chasse.

Bref, nous sommes avec notre balade en plein dans l’actualité. Ceci dit, rassurez-vous : ça reste une (belle) balade et pas une manifestation !

Le trajet

On démarre Place Gérard Froidmont, à Hermalle-sous-Argenteau, devant l’église, pour longer la Meuse (Avenue E. Remy, quai du Franche Garenne, rue du Hemlot. Nous rejoignons via un terrain de foot abandonné la rue du Tilleul et via la rue Fachard la gravière que nous quittons via la rue de Résistance pour rejoindre notre point de départ.

Préparez vous à des sensations fortes !

Il y a des cormorans. En Chine, la pêche au cormoran est une méthode de pêche traditionnelle dans laquelle les pêcheurs utilisent des cormorans dressés à pêcher en eau douce. Les pêcheurs posent une ligature à la base de la gorge qui les empêche d'avaler les plus gros poissons, mais laisse passer les plus petits. Les cormorans sont libres, et reviennent d'eux-mêmes au bateau.
S’il faut croire les pêcheurs, on y trouve même une silure, un poisson carnassier d’un mètre de long,  avec une gueule énorme ; des tortues californiennes qui cassent une  branche d’un coup de bec, des kois, des grenouilles bizarroïdes, des esturgeons... Les pêcheurs sont une tribu chez qui exagérer n’est pas mentir… Ils accusent les gens qui ont des étangs d’évacuer leurs poissons dans le Hemlot quand ils en ont assez.
  des silures au hemlot ?
Pour nos pêcheurs, les nénuphars aussi sont un problème. Christian Lamury, le président de la Fédération des pêcheurs de la Basse-Meuse : « Si rien n’est fait pour la sauvegarde du lieu, d’ici 5 ans, ce ne serait plus trois points d’eau qu’on trouverait dans l’ancien bras de la Meuse, mais une plaque commémorative disant : Ici, se trouvait le Hemlot, réserve naturelle
exceptionnelle... Disparue ». Lamury  explique pourquoi ils  fauchent les nénuphars: “ Il n’y a pas moyen de jeter une ligne sans qu’elle s’emberlificote dans les plantes. Et comme la vase a tout envahi, il ne reste guère de hauteur d’eau. On faucarde mais sans couper leurs rhizomes car ils sont protégés. Et nous ne pouvons dégager que 30 % du Hemlot car le site est classé Natura 2000 et la Division Nature et Forêt de la Région wallonne veille à ce qu’il reste à l’état naturel.
Jean-Noël Schmitz, secrétaire de la Fédération des pêcheurs de la Basse-Meuse : "Le dernier désenvasement a eu lieu dans les années 80 et avait coûté un million de francs belges… mais depuis plus rien. Or, il y a une perte de 15 cm d’eau par an avec l’envasement. Si rien n’est fait, cela risque de devenir rapidement une prairie humide".
En 2011 des travaux de désenvasement ont été promis dans le cadre de travaux compensatoires pour la quatrième écluse de Lanaye. Promesse d’ivrogne ? Promesse de Michel Daerden !
Et il y a des castors dans la gravière, avec « des arbres qui tombent comme des mouches ». Dommage pour nos pêcheurs que ces castors ne se nourissent pas de nénuphars!

Un contraste saisissant entre les étangs du Hemlot et la friche de Chertal

Notre balade suit d’abord le chemin de halage, jusqu’aux étangs. Là, le chemin continue le long de la Meuse, mais est bloqué un kilomètre plus loin par le corps de garde de Chertal. Il manque vraiment un tout petit bout pour atteindre le pont de Wandre. Construit entre 1985-87 par Grreisch, le pont était déjà classé monument du patrimoine historique majeur de Belgique.
Nous contournons le dernier étang. A notre gauche des merlons de laitier de Chertal, dont l’accès est rendu difficile dans la cadre de la mise sous cocon.  Le contraste entre les étangs du Hemlot et la friche de Chertal est saisissant. Même si l’Espérance-Longdoz, société mère de Chertal, a montré du cœur pour le Hemlot quand on a construit
Construction de Chertal
l’usine. En 1963 Aves  remercie plusieurs hautes personnalités de l’Espérance pour leur sensibilité pour l’intérêt biologique et leur promesse de reconstituer les étangs comblés. Aves obtient la création d’une station ornithologique à l’intérieur même de l’usine. En 1992 on appelle Chertal l’hôtel pour cormorans et on y compte jusque 1000 têtes !
Chertal a été construit sur le canal Albert par l’Espérance Longdoz, en réponse à son concurrent Cockerill- Ougrée qui s’était associé avec Arbed pour construire Sidmar sur le canal Gand- Terneuzen. Un demi-siècle plus tard Mittal reprend le projet Apollo de fermeture des sites continentaux. Il doit néanmoins accepter une mise sous cocon. Il y a donc un chapitre encore à écrire. Je ferai prochainement un blog sur la construction de Chertal. Je mentionne juste que la construction de Chertal a bouleversé complètement le site, en rehaussant de 5 mètres le niveau de départ. Ce qui explique les infiltrations d’eau dans les caves du train à larges bandes.

Des abris de la de la position fortifiée de Liège en mai 1940

On n’est plus dans la commémoration des tranchées de 14-18 ici, mais dans la préparation du blitzkrieg de 1940. Le long du chemin de halage nous retrouvons plusieurs abris bétonnés,. En 1927, la Commission d'Etude du Système des fortifications décide le réarmement de la région fortifiée de Liège. Le fort de Pontisse est réarmé.  La section 4 comprend une ligne d’abris sur la rive gauche de la Meuse pour défendre principalement les trouées de Visé et de Lixhe. Je me suis basé sur un ouvrage de Franck Vernier, Les abris de la position fortifiée de Liège en mai 1940 Chapitre 5 - La Position Fortifiée de Liège 4
Le 10 mai 1940, la ligne n'était pas terminée. Pour construire certains abris, on attendait la construction du nouveau pont d'Argenteau, l'ancien étant en bois, et la rectification des berges de la Meuse rendu nécessaire par la construction du canal Albert. Le long de la rive de la Meuse la Commission avait prévu 7 abris. Le secteur PL débuta derrière la ferme de Happart par deux abris avec deux chambres de tir pour mitrailleuse ou FM flanquant le fleuve. Il s'agit des abris PL b et PL c. A Basse-Hermalle se trouvent les abris PL 5 et PL 6. Les abris PL 1 à PL 4 n’ont pas été construits. Dans les (anciens) ponts Marexhe, Milsaucy et de Wandre se trouvent des abris à plusieurs chambres de tir. Sur la rive gauche du canal Albert, les abris MeA 1 bis et M 26 avec des canons de 47 mm. Un abri de bombardement se trouvait à la bure d'Abhooz (à l'emplacement de l'actuel Maxi GB de Herstal).
Dans  le secteur Pontisse-Lixhe se trouvaient une vingtaine d'abris, une partie entre la Meuse et le canal Albert et une partie sur la rive gauche du canal Albert sur les hauteurs de Hacourt.
L’île Monsin était particulièrement bien défendue. Sur la rive gauche du canal Albert, en face de l'île, 5 abris ont été construits.  Il ne reste plus que les abris MeMo 1, MeMo 1 bis, MeMo 2 et MeMo 3. Un abri à plusieurs chambres de tir se trouve dans le pont barrage. Deux abris sont dissimulés dans le socle de la statue du Roi Albert. Un peu limite comme camouflage ? Mais ce qui est particulièrement discutable : trois abris avec plusieurs embrasures seront construits dans les culées des ponts de Liège, profitant de la reconstruction des ponts des Arches, du pont Saint-Léonard et du pont de Coronmeuse. N’était-ce pas prendre les civils en bouclier humain ?

Très tôt, la Défense Nationale se rend compte que le IIIe Corps d'Armée, occupant la PFL, ne disposait ni d'effectifs suffisamment nombreux, ni d'assez de mitrailleuses pour garnir cette ligne de front de 179 abris se développant sur 60 Km. C'est pourquoi il fut décidé de ne pas l'occuper. Elle constituera un leurre pour l'ennemi…

La gravière Brock et ses castors

Nous traversons un ancien terrain de foot, où les aciéristes jouaient un match lors de la casse croûte. Chertal a eu plusieurs équipes de foot. Le terrain a été abandonné quand ces équipes se sont éteints. Depuis des bouleaux l’ont colonisé. Les chercheurs du consultant Pluris parlent de « Recrû forestier de Chertal ». What’s in a name ?  Il n’y a jamais eu de forêt là-bas, et il ne peut donc pas recroître. C’est des bouleaux principalement, des plantes pionnières par excellence.
Par la rue Fachard nous accédons la gravière Brock à Hermalle. Ce beau projet est de l’architecte paysagiste Anne-Marie Sauvat à qui les castors ont posé quelques problèmes : «Un  amoncellement de branchages indique la présence d’une famille de castors: des arbres que l’on voulait conserver tombaient comme des mouches. Nous avons fait poser du treillis autour des troncs mais ça ne les a pas arrêtés. Comme il s’agit d’une espèce protégée, on a dû trouver une solution non létale pour les éloigner de ces arbres. On a alors acheté du répulsif et ça a enfin marché".
J’ai l’impression que les castors ne sont pas restés, parce qu’il n’y a plus de moignons d’arbres fraîches mais le castor vient en sous-marin et rentre sous l'eau dans sa tanière. Il faut venir à la tombée de la nuit ou très tôt le matin pour les voir.
Avec un peu de chance on peut y voir des martins-pêcheurs, à partir d’un abri d'observation pour les oiseaux. On a installé des pontons pour les pêcheurs, une zone no-kill absolue ; et des caillebotis pour les promeneurs. Ceci dit,  la baignade  reste dangereuse, voire mortelle. Le 24 juillet 2004 un adolescent de 14 ans s'y est noyé. En août 2003, un autre adolescent s'était déjà noyé.
Suite au déclassement de la zone industrielle en 1999, la société d'exploitation de graviers Brock a récupéré les 18 millions de garantie déposés pour l'assainissement du site qu'elle n'est plus tenue de réaliser. Que ça reste entre nous : ça pourrait donner des idées à Mittal…

La digue des Dames de Vivegnis et la ferme Pontisse

Tout le site que nous parcourons était situé dans un coude de la Meuse et protégé par une digue qui a été rompu à chaque montée des eaux. La Meuse a cherché à reprendre ainsi un ancien bras.
En 1123 avait été fondé à Liège (Beaufays) un ‘monastère double’: des moines et des sorores. Mais le prince-évêque de Liège conseillait d’éloigner les religieuses féminins, afin d’éviter des rumeurs de promiscuité … Ainsi en 1235 des religieuses l’Ordre de Cîteaux de Saint Bernard de Clairvaux débarquent à Vivegnis. L’assemblée générale à Cîteaux décide l’achat d’une ferme à Pontisse.
Le territoire où  l’abbaye de Vivegnis fut érigée appartenait au Moyen-âge au domaine de Herstal.
L’abbaye avait construit en 1643 une digue à la hauteur de Chertal / Cheratte,  dite ‘digue des Dames de Vivegnis’. Elle devait éviter les ravages causés par les inondations fréquentes de la Meuse, mais s’est effondré à plusieurs reprises ; la dernière fois lors de la grande inondation de 1926 !
En septembre 1796 les communautés religieuses sont supprimées. Dans la liste « des individus composant la communauté religieuse de Vivegnis conformément à la loi du 15 fructidor an IV » il restait douze dames de chœur et trois sœurs converses. Presque tous les biens furent adjugés à un fondé de procuration d’une des religieuses pour la somme de 270.000 francs. Elle rachetait donc la plupart des biens …. En 1800 les principaux bâtiments furent détruits.
En 1959, lors de travaux d’extension de la firme Hollandia – fermée entretemps- sur le terrain de l’ancienne abbaye, on a mis à  jour, lors de fouilles archéologiques, une crypte encadrée d’épaisses muraille, le cimetière des moniales et l’infirmerie. Rien n’a été sauvé.
Reste la ferme de l’abbaye, à Pontisse. Trop près du fort, la ferme a été rasée par l'armée belge en 1914. Elle fut réédifiée en 1923. Le 10 mai 1940 le fermier dut de nouveau évacuer les lieux en y abandonnant un nombreux bétail. La ferme subissait une seconde fois des déprédations mais ne fut  pas détruite. Elle a failli disparaître lors de l'établissement du zoning des Hauts Sarts, mais en 2014 un projet ambitieux est en cours pour y installer un centre de services pour les entreprises.
Le seul vestige de ces dames de Vivegnis est donc la pierre de voûte scellée au dessus de l’entrée de la ferme…
Lors des travaux de Trilogiport dont nous longeons le chantier, des fouilles ont livré des découvertes archéologiques de première importance.  Entre la clinique Notre Dame d'Hermalle-sous-Argenteau des traces d'occupation appartenant aux premiers agriculteurs qui ont occupé nos régions dans le courant du 4e millénaire, des traces d'occupation mésolithique, de la l'âge de la pierre, 10 mille ans avant notre ère, et  une nécropole gallo-romaine. Les fouilles réalisées sur une autre parcelle du Trilogiport avaient déjà permis de mettre au jour une nécropole vieille d'environ 3000 ans.  Bref, s’il ne reste pas grand-chose de l’abbaye, on a quand même une série de vieilles pierres et ossements à mettre en vitrine….

Sites intéressants

http://www.oupeye.be/wordpdf/enviro/ballade-pedestre.pdf voir promenade 13 Hermalle-sous-Argenteau
https://www.youtube.com/watch?v=-NeFPGCj0ps Visite de la gravière Brock a Hermalle sous argenteau 2014
Franck Vernier  http://www.clham.org/050511.htm Les abris de la position fortifiée de Liège en mai 1940 Chapitre 5 - La Position Fortifiée de Liège 4
Sur Pontisse voir mon blog http://hachhachhh.blogspot.be/2014/02/journees-du-patrimoine-13-et-14.html


Aucun commentaire: